Date :
10 novembre 2011
Ville :
Paris (75)
Salle :
Le Trianon
Les avis sur ce concert
La chronique de Nicolas :
Bon, il a fait le job… et beaucoup de bruit. ;-)
La lune était pleine ce soir. Le Trianon aussi.
Après un JP Nataf un peu faiblard, Murat & co entrèrent en scène à 20.30.
1h40 plus tard, il restait encore beaucoup de bruit dans la jolie salle du Trianon.
Il ne manquait qu'un piano et quelques mots pour nous…
Pas de surprise dans la setlist : Grand lièvre enchaîné (sauf “Je voudrais me perdre de vue”, argggghhhh, salaud !).
Puis quelques flashs-back : “Foule romaine”, “Jim”, le “Jaguar” en apothéose (sensation de déjà-vu)…
Et au final, ce que je redoutais.
Peu de variations de rythme, beaucoup de délires guitaristiques (le summum du pire étant atteint par “Alcaline”), un peu trop de basse et cet air bien bougon.
Une drôle d'impression d'un Murat essayant de se cacher derrière les sons de sa guitare au lieu de s'écouter chanter.
Alors c'est vrai, il y eut aussi quelques très beaux moments.
“Alexandrie” était magnifique, et visiblement Murat très ému en la chantant.
“Jim”, évidemment.
Et surtout cette version de “Foule romaine” dédiée à Bernard Lenoir, présent dans la salle.
Les rares (seuls ?) mots de la soirée furent pour lui. En gros, c'est grâce à lui que JLM était là ce soir, grâce à lui que toute une génération de musiciens avait pu sortir de l'ombre…
Longue intro, donc, en reprenant Bernard, Bernard, Bernard pendant de plusieurs minutes, et en y revenant à la fin.
Il me semble maintenant loin ce temps où JLM me surprenait sur scène.
Lointaine aussi cette sensation de voir naître des inédits et sentir le temps se figer sur une chanson qui n'existait que dans l'instant.
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La chronique de Pierre (sur le blog de Pierrot)
Alors alors... ce concert ...
J'ai pour ma part trouvé Murat absolument parfait mais j'ai été un peu déçu par le public... Je veux dire il a applaudi comme il se doit chaque chanson et il a su donner (un peu) de voix à la fin de chacun de celles-ci mais tout de même c'était étrange de ne voir personne bouger pendant les chansons... Je croyais que Les jours du Jaguar par exemple était très populaire parmi les fans. Bah franchement ça ne se ressentait pas trop.
même si j'ai vu que les gens étaient contents en sortant. ça se voyait sur leur visage et ça s'entendait aux discussions... Par contre dire quelle chanson a été plus appréciée que d'autres, j'en serais de fait incapable.
Alors bon voilà, certes Murat n'est pas une star de Hard Rock (heureusement) et son public n'est pas constitué de pogoteurs (Dieu merci) mais ça manquait un peu de présence, un peu de chaleur de la part du public.
Pour le concert à proprement parler, disons que Murat à fait beaucoup de chansons du Grand Lièvre (toute la première partie). Ce fut de très haute tenue sans aucun temps mort. Ensuite il y eut quelques "tubes" et chansons traditionnellement bien appréciées par son public : Foule Romaine, le Jaguar donc, Yes Sir...
Un grand moment a été l'hommage rendu à Bernard Lenoir a qui il a dédié Les voyageurs Perdus, intriduite ainsi : "Si je suis là ce soir c'est grâce à Bernard Lenoir. Toute une génération de chanteur a pu exister grâce à lui. " là le public fut extactique (enfin disons en comparaison de son comportement tout au long de la soirée quoi". hihihi !)
Voilà bon un très bon concert mais un ton en deça de la tournée du Cours Ordinaire (ah mon obsession toujours) où l'on sentait que Murat était prêt à exploser à tout moment. Ce soir, il manquait cette tension (peut-être malsaine, je vous l'accorde : La colère, la frustration, la haine de Murat (envers tout, envers lui-même, son public, les absents, les anciens soutiens, etc) se ressentaient et faisaient de ses concerts parisiens des grands moments de live mais aussi de mise en danger). Là Murat fut gentil, concentré, présent.
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La chronique du Monde :
Toi l'Auvergnat, Jean-Louis Murat
A la Sorbonne, en mai 1968, une main étudiante avait écrit sur le mur : "Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, mais c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles", ajoutant plus loin une autre citation duLivre de Job : "Ils cherchent l'obscurité en plein jour et marchent à tâtons en plein midi, comme si c'était la nuit." Jean-Louis Murat n'est pas un soixante-huitard, mais un campagnard urbain. Il n'est pas mystique non plus, mais peut s'adonner à la contemplation des lichens, des loups ou de la voie lactée. Il peut aussi s'en prendreà son prochain, quand il le trouve aveugle et crétin. Ce qu'il ose au Trianon à Paris le jeudi 10 novembre, c'est noyer dans un magma de guitares épaissies le coupantAlcaline, d'Alain Bashung et Boris Bergman (1989), seule reprise du concert.
Comme Christophe, le noctambule aux lunettes noires et aux cheveux blancs, autre repreneur d'Alcaline ("J'veux tout réécouter/Vaguement brisé/Sur une plage alcaline"), Jean-Louis Murat ne cherche à prendre la place de personne, puisqu'il occupe la sienne, constant, musicien que la nature, et non la fumée des salles closes, inspire, à qui la poésie (Baudelaire, Madame Deshoulières, Jim Morrison, Pierre-Jean de Béranger, qui ont été matière à albums) est chère. Les directeurs de carrière (artistique, marketing, etc.) marchent à tâtons et trouvent tout difficile. Il s'en passe depuis Murat (1982). Ce qu'il ose encore, c'est jouer sur scène l'intégralité des dix titres de son dernier album, Grand Lièvre, où figure en miroir un second CD, huit titres enregistrés en concert, à la Coopérative de Mai de Clermont-Ferrand en 2010 (Jean-Louis Murat est auvergnat).
Il y a une construction méthodique de l'audace dans ce nouveau tour de chant rodé à travers la France - Paris est un passage, sans plus, jamais une cérémonie - qui se poursuivra en 2012. Tout concourt à l'abrasion des règles. Les lumières (Erwan Champigné) basculent des couleurs de la neige, de la lauze et de la pierre volcanique (blanc, ocre, gris) vers des effets vibrants, frontaux, énervants, qu'une exposition d'art contemporain qualifierait à titre préventif de dangereux pour les épileptiques. Musicalement, le chaos est organisé de même sorte, et il est libérateur : Jean-Louis Murat, en liquette à carreaux, puis en chemise cintrée de dandy rock, passe de l'accent de terroir au cri. Il détrousse habilement un lot de chansons bonnes filles traitant de l'exil rural (Vendre les prés), se dirige vers une aversion viscérale ou une joie hennissante (Haut Arverne : "Le poids de l'âme fait le coeur lourd, la nuit nous tient en ciel d'orage").
Il vient à l'idée alors qu'elles ont été conçues légèrement, mais pensées pourassurer les montées d'adrénaline. Murat écrit des chansons en grand nombre. Souvent bien. Elles marquent, parce qu'elles sont curieusement tournées, même si l'abondance émousse le plaisir de l'attente et de la surprise. Finement pop, distillées comme si elles n'étaient qu'une, celles de Grand Lièvre sont dans la continuité fluide de Tristan (2008), du Cours ordinaire des choses (2009). Il faut yajouter le flux continu des titres inédits délivrés via le site Jlmurat.com ou en concert, qui donnent matière à commentaires entre fans - la chanson Yes Sir, par exemple, chantée en scène - tandis que pullulent les vidéos des algarades du chanteur (avec Laurent Ruquier, Eric Zemmour, etc.).
Né en 1952 dans le Puy-de-Dôme, y vivant, y travaillant par conviction dans une ferme proche d'Orcival, lieu central de l'art roman, Murat ne craint pas l'ennui. On traîne parfois, Monsieur prend son temps. Il ne juge pas utile de changer de registre. Il flâne en décalé. Il s'étire. Mais c'est aussi un voyageur. On l'a cru fixé entre le Col de la Croix Morand et le Puy-de-Sancy, mais il grimpe le col du Tourmalet avec le Champion espagnol, prend la mer "sans testament". Le voici s'attardant dans un incantatoire hommage au journaliste Bernard Lenoir, parti cet été de France Inter, et sans qui, chantonne Murat, toute une génération d'artistes français n'aurait jamais été dévoilée.
Cette fois, Jean-Louis Murat, que l'on a vu précédemment en homme-orchestre solitaire, lampe de mineur au front, a soudé un groupe de rock, un vrai, compact, composé de fidèles qui jouent aussi sur les albums, Slim Batteux aux claviers (son d'orgue), Fred Jimenez à la basse (dense), Stéphane Raynaud à la batterie. Fan de Neil Young, Murat est à la guitare électrique, il aère La Lettre de la pampa,magnifique en ouverture, dégorge Mousse noire ou les Voyageurs perdus, deux rappels de l'album Tristan (2008), et finit à la limite de la saturation avec Les Jours du Jaguar (extrait de Lilith en 2003). Bernard Lenoir est dans la salle. Il n'a jamais craint de diffuser sur la radio nationale les versions intégrales de Nu dans la crevasse, dix minutes, ou de La Mésange bleue, six minutes.
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J'ai trouvé la première moitié du concert (consacrée à Grand Lièvre) un peu ennuyeuse: même s'il joue l'album à l'envers (La Pampa, Rouges Souliers... Sans Pitié, Qu'est-ce que ça veut dire), on a l'impression d'entendre le disque se dérouler sans grandes surprises, et j'ai trouvé le temps long. Alexandrie, que j'adore sur l'album, a été complètement gâchée par des effets sonores intempestifs, et je l'ai trouvée interminable. Rémi Est Mort Ainsi n'est pas un morceau de concert. Et ils n'ont pas réussi à rendre Haut Averne aussi majestueux qu'en studio. Par moments, j'avais l'impression qu'ils rajoutaient des choeurs pré-enregistrés à ceux de JLM et Fred Jimenez, et ça faisait bizarre. Curieusement, cette première partie a surtout été l'occasion, pour moi, de réévaluer les titres que j'aime le moins dans l'album: rehaussés en live par le clavier de Slim, Les Rouges Souliers ont pris un relief étonnant. De même que Vendre Les Prés, assez terne sur disque, mais qui devenait là beaucoup plus profond. Le champion Espagnol a été interprété avec un riff plus lourd et rock que sur l'album, ce qui lui a aussi donné une dimension particulière - même si les choeurs ne rendaient pas aussi bien que sur disque. Enfin, tout le monde a été ravi d'entendre les premiers riffs de Sans Pitié Pour Le Cheval, qui a enfin réussi à enflammer cette première partie, un tout petit peu plan-plan à mon goût.
Les morceaux de Grand Lièvre sont sans doute encore trop frais, on n'a pas assez de recul, et leur interprétation live ne nous les fait pas vraiment "redécouvrir"... Contrairement aux vieux morceaux interprétés ensuite.
Même si je l'aime déjà beaucoup sur Tristan, Mousse Noire a une gueule folle en concert. Yes Sir ressemble déjà à un classique live (un comble, pour un morceau jamais gravé en studio). Au-delà du plaisir de réentendre Foule Romaine, l'option "je fais chanter (faux) le public" m'a un peu pompé l'air: on n'est pas dans un karaoké, que diable ! Et sur Jim, l'absence de la voix de Jennifer Charles se faisait un peu sentir, quand même. Finalement, le meilleur moment du concert a peut-être été Alcaline, la reprise de Bergman/Bashung (hommage caché à Christophe, Mumu le sait-il?). Là, j'ai eu enfin l'impression que les musiciens sortaient de leurs sentiers battus et construisaient un arrangement audacieux, une architecture sonore plus originale que d'habitude. J'ai aussi, comme tout le monde, bien aimé le clin d'oeil à Lenoir, qui apportait un plus indéniable aux Voyageurs Perdus, que je n'aime pas trop sur album mais qui sonne bien en live (malgré le retour du karaoké sur les choeurs). Enfin, les Jours du Jaguar a été interprété dans une version lourde, lente et "possédée", qui faisait plaisir à entendre.
Au final: j'ai trouvé JLM un peu timide avec le public, mais charismatique quand il se lançait dans ses grandes chevauchées guitaristiques. On m'avait souvent dit que ses longs passages instrumentaux étaient complaisants ("de la branlette guitaristique"), mais ce soir ça n'a pas été le cas: au contraire, ce sont ces passages-là qui donnaient un peu plus de vie et de spontanéité aux morceaux. Sur la première partie, n'ayant pas de chorus ou de solos à jouer, j'ai senti que JLM s'ennuyait un petit peu. Il faut dire que les rythmes lents de Grand Lièvre sont peu propices à "mettre le feu" à une salle , même si le disque est bon dans sa version studio.
Un concert honnête, donc, où JLM a été vraiment "habité" sur 3 ou 4 morceaux (Alcaline, les Jours du Jaguar, Sans Pitié Pour Le Cheval, Mousse Noire). A défaut d'y mettre beaucoup d'âme, il a déroulé le reste avec un grand professionnalisme, sans excès de virtuosité masturbatoire. Pour ma part, je le préfère en concert solo ou en groupe sans public (Parfum d'Accacia). Il manque peut-être un ou deux choristes (reviens, Camille!). Mais dans le fond, ça a quand même été une chouette soirée.
Suicidez-vous (sur le forum de JLM)
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La chronique de Pierre Andrieu sur Concert&Co :
Rendez-vous parisien couronné de succès pour le toujours taciturne et imprévisible songwriter made in France Jean-Louis Murat, pour une fois quasi muet entre les morceaux, sauf lors d'un court hommage à Bernard Lenoir, grand soutien de l'auteur de Mustango dans sa défunte émission sur France Inter... Après l'Alhambra en novembre 2010, cette fois, c'est au Trianon, très beau théâtre rénové avec goût, qu'a lieu la grand messe donnée pour les fans. Et avec JP Nataf en première partie, pour un court set bien envoyé – façon trio folk rock pop sonnant près de l'os – mais un peu tristounet...
A l'heure exacte annoncée, 20h25, Murat et son groupe (Fred Jimenez à la basse et aux chœurs, Stéphane Reynaud à la batterie et Slim Batteux à l'orgue, tous les trois à saluer pour leur prestation) montent sur les planches avec la ferme intention d'enchainer – en guise d'entrée et de plat de résistance – les titres du dernier album, le léger, intense et long en bouche Grand Lièvre... Toujours facétieux Jean-Louis, puisqu'il décide de dérouler son oeuvre la plus récente à l'envers et en omettant de jouer l'une des meilleures nouvelles compositions, Je voudrais me perdre de vue. Pas bien grave puisque le disque est globalement très bon et que les titres choisis sont joués avec foi et concentration... Seul gros hic, un son de basse bourdonnant qui couvre le reste des instruments au début du set. C'est énervant d'autant que les chansons sont superbes, que les lumières sont réellement admirables (et parfaites pour l'univers muratien) et que Monsieur Bergheaud est en forme vocale.
Le temps de bougonner un peu dans notre barbe contre l'ingé son, de demander à un couple d'amies si elles comptent parler à voix haute pendant tout le concert, de s'enquiller prestement une pinte et le concert décolle définitivement avec l'époustouflant titre Alexandrie : arpèges de Telecaster en son clair, voix bouleversante, rythmique subtile et orgue délicat... Renversant ! Désormais c'est le bonheur total, les titres font tous mouche, transportant littéralement l'auditeur en apesanteur dans un océan de poésie, de parties vocales susurrées avec malice ou vociférées avec hargne, de guitares flottantes et d'orgue Hammond planant... Un dernier titre de Grand Lièvre, Qu'est ce que ça veut dire, puis on passe aux morceaux plus anciens avec Mousse Noire et Yes Sir, qui font décoller vers un ailleurs très, très jouissif. Enfin, place aux tubes du Monsieur : Foule Romaine, dont le refrain est timidement repris en choeur par le public, une version impeccable du classique Jim et une désormais incontournable reprise d'Alain Bashung, Alcaline, joliment lardée de six cordes intersidérales...
Lors de l'entame du deuxième titre du premier rappel, Jean-Louis Murat choisit de s'exprimer pour la seule fois de la soirée (si l'on excepte les brefs " bonsoir " et " merci " et un fort aimable " on m'avait bien dit de ne pas venir à Paris " pour titiller une assistance un peu molle) et ses mots sont pour une personne présente dans la salle, un certain Bernard, Bernard Lenoir : " si je ne l'avais pas eu dans ma petite carrière, je ne serais pas là ce soir " et " sans lui, toute une génération serait passée à la trappe". S'en suit une interprétation à tomber à la renverse des Voyageurs perdus, très émouvante chanson de l'album Tristan introduite par des " Bernard, Bernard " et conclue par force " Merci Bernard ". Auxquels on ne peut que s'associer compte tenu du nombre d'artistes peu consensuels défendus par l'homme de radio, en particulier avec ses fameuses Black Sessions diffusées en direct. Sortie de scène sous les acclammations fournies puis finale avec l'incunable Les Jours du Jaguar, très Neil Young & Crazy Horse (intro super distordue, riffs titanesques, entrelacs d'effets, texte surréaliste et cryptique), le petit plus qui achève de contenter le public, en extase à la fin du show.
Grand Lièvre tour